Ouzbekistan 2e partie

Il est 9 h 00 du matin lorsque nous quittons notre guesthouse. Le soleil est deja bien present dans le ciel de Samarcande, et la lumiere eclaire doucement les facades aux tons ocre. Le petit dejeuner a ete genereux - fruits frais, crepes ouzbekes, confitures maison, un cafe noir bien chaud - de quoi affronter une journee pleine de decouvertes. Sur le trottoir, un homme nous attend avec un sourire calme et bienveillant. C'est Davronbek, notre guide francophone pour la journee. Sa poignee de main est franche, son regard profond. Il ne parle pas fort, mais chaque mot semble choisi avec soin. " Aujourd'hui, nous allons decouvrir pourquoi Samarcande ne s'oublie jamais ", dit-il, presque comme une promesse. Notre premiere destination est aussi la plus emblematique : le Registan. Quelques minutes de marche suffisent. Et soudain, il se dresse devant nous, monumental, presque irreel. Le Registan - ce nom signifie "place sablonneuse" - est bien plus qu'un simple espace public. C'est un chef-d'oeuvre architectural, un livre ouvert sur la grandeur des empires timourides. Trois madrasas, alignees comme dans une choregraphie de pierre et de faience, forment ce lieu unique au monde. A gauche, la madrasa d'Oulough Beg, batie au XVe siecle par le celebre prince astronome, petit-fils de Tamerlan. Davronbek nous montre du doigt les mosaiques etoilees qui ornent la facade. "Oulough Beg enseignait ici lui-meme. C'etait un savant dans un monde de conquerants." Son regard brille en evoquant ce personnage hors du commun
En face, la Tilla-Kari, la "couverte d'or". Davronbek nous guide a l'interieur de la mosquee attenante, ou une immense coupole doree domine l'espace. "Ce n'est pas qu'un decor. C'est une vision celeste, une lumiere sacree." Et en effet, tout semble flotter sous ce dome d'or. A droite, la Cher-Dor, reconnaissable a ses lions solaires, motif audacieux dans un art islamique ou l'image est rare. Davronbek nous raconte la legende d'un artiste qui aurait subtilement defie les regles pour representer symboliquement la force du souverain et sa puissance rayonnante. "Ici, tout est symbole. Rien n'est laisse au hasard." Nous traversons lentement la place. Nos pas resonnent doucement sur le sol chauffe par le soleil. Davronbek s'arrete un instant, les yeux fixes sur l'ensemble. "Imaginez les marchands, les pelerins, les erudits arrivant d'Iran, de Chine ou d'Inde... Apres des semaines de voyage, c'est ici qu'ils posaient le pied. Ce choc visuel, cette beaute, c'etait leur premier contact avec Samarcande." Conclusion - Le silence des merveilles Le Registan n'est pas qu'un site a visiter. C'est une emotion a vivre, un souffle fige dans le temps, un dialogue entre ciel et pierre. Et grace a la voix mesuree de Davronbek, chaque coupole, chaque facade, chaque motif devient plus qu'un decor : un temoignage d'intelligence, de puissance et de foi. En quittant le Registan, on ne repart pas simplement vers un autre lieu. On avance avec quelque chose en pluS
En fin de matinée, Davronbek nous a proposé une halte inattendue dans une petite boutique d’instruments de musique ouzbeks. Derrière la devanture discrète se cachait un véritable trésor sonore. Deux artisans, souriants et passionnés, ont pris le temps de nous faire découvrir la richesse des sonorités ouzbèkes. D’un dutar au doira, chaque note résonnait comme un écho venu du cœur de la steppe. Ce moment suspendu nous a offert une parenthèse poétique, entre tradition musicale et chaleureuse hospitalité
Apres avoir quitte le Registan, nous reprenons notre chemin a travers Samarcande avec Davronbek. Nous arrivons devant la mosquee Bibi Khanum. Elle surgit, massive, presque irreelle avec ses hautes arches et ses coupoles celestes. Davronbek raconte qu'elle fut construite au retour d'une campagne de Tamerlan, pour honorer son epouse preferee. L'ambition etait de btir la plus grande mosquee de l'empire. La cour immense, les portails majestueux, les galeries decorees de faences impressionnent. Une legende entoure sa construction : l'architecte, epris de Bibi Khanum, aurait vole un baiser. Tamerlan, furieux, l'aurait execute. Une histoire ou la gloire, la foi et l'amour se gravent dans la pierre